1. Centres d’Excellence : levain de la qualité des Fèves
Au premier rang des facteurs qui peuvent expliquer ces prix records, l’efficacité des filières cacao-café dont l’analyse offre des perspectives sur la compréhension des mécanismes de fixation des prix aux producteurs : les centres d’excellence de traitement post-récolte. Grâce à des équipements modernes et des techniques avancées, les centres d’excellence de traitement post-récolte du cacao jouent un rôle crucial dans la production de fèves de cacao de qualité supérieure. En effet, les fèves qui en proviennent bénéficient d’une fermentation contrôlée et d’un séchage optimal, ce qui leur confère une saveur distinctive et une valeur ajoutée sur le marché international. Reconnus pour produire des fèves de qualité exceptionnelle, les centres d’excellence de traitement post-récolte du cacao du Cameroun garantissent une qualité supérieure au cacao et contribuent à renforcer la réputation, la compétitivité et l’essor de l’industrie cacaoyère nationale sur le marché mondial.
Les centres d’excellence se sont donnés pour objectif de promouvoir l’excellence à chaque étape du processus de traitement des fèves. Leur philosophie repose sur l’innovation, la durabilité et la recherche constante de la qualité, à travers un processus post-récolte rigoureux qui garantit une qualité exceptionnelle aux fèves grâce au triage, à la fermentation contrôlée, au séchage optimal et au stockage adéquat, avec des équipements modernes, qui garantissent une transformation efficace et hygiénique.
Autre levier de performance, des partenariats avec des opérateurs de renom, pour garantir des standards de qualité élevés. Par exemple, des chocolatiers français garantissent aux producteurs traitant leurs fèves dans ces centres un prix attractif, ce qui encourage la production de fèves de haute qualité et renforce la confiance des acteurs du marché. Ainsi, en raison de leur qualité supérieure, les fèves issues des centres d’excellence sont hautement valorisées sur le marché international. Elles sont utilisées par les chocolatiers et les fabricants de produits cacaotés pour produire des chocolats fins et des produits de qualité premium, offrant des débouchés lucratifs pour les producteurs locaux et contribuant à l’essor économique du secteur cacaoyer camerounais.
2. Professionnalisation et durabilité des filières
Le gouvernement camerounais s’est engagé dans un effort concerté avec l’Interprofession du cacao et du café, pour améliorer la qualité et la durabilité des filières cacaoyères, à travers une série de mesures qui visent à renforcer la professionnalisation des agriculteurs, à valoriser les produits locaux et à garantir la durabilité environnementale, notamment avec une prime à la qualité. Pour sa part, l’Interprofession du cacao et du café œuvre à travers ses programmes structurants à la réalisation efficiente de ces objectifs, en fournissant une formation pertinente et adaptée aux pratiques agricoles durables, en géolocalisant les plantations et en modernisant les équipements de production, en stimulant la productivité et la compétitivité … pour créer progressivement une filière cacao et café robuste, respectueuse de l’environnement, qui répond aux exigences des marchés nationaux et internationaux. En effet, l’Interprofession à travers le triptyque professionnalisation, valorisation et durabilité des filières établit un maillage suffisant pour garantir un cacao sans défaut :
Professionnalisation
L’Identification des producteurs et la géolocalisation des parcelles(cartographier des parcelles de cacao et de café), qui facilitent la gestion et le suivi des plantations, le développement des capacités(programmes de formation mis en place pour renforcer les compétences des acteurs de la filière, notamment en matière de techniques agricoles, de gestion et de commercialisation) et l’organisation de la commercialisation (structuration des partenariats directs acheteurs-organisations de producteurs, ventes groupées, … libre commercialisation), assurent une meilleure valorisation des produits et une répartition équitable des revenus.
La valorisation des filières à travers les programmes Cacao d’Excellence et Café d’Excellence se déclinent en activités d’amélioration de la qualité et de promotion, lancés pour assurer la mise en avant de produits de haute facture, qui renforcent leur attractivité sur les marchés nationaux et internationaux. L’objectif des activités promotionnelles, c’est de sensibiliser les consommateurs de tous horizons aux produits locaux et valoriser l’image des filières cacao et café camerounaises.
Durabilité des filières
La durabilité de la filière repose en premier lieu sur leProgramme New Generation qui vise à moderniser et dynamiser la filière cacao-café, en encourageant l’adoption de pratiques agricoles innovantes et durables. Une initiative spécifique est entreprise pour relancer la production de café, la Relance Ciblée du Café, qui met l’emphase sur la durabilité et la qualité du produit final. La gestion de la dimension sociale associée au genre est incarnée par le Programme Femme Rurale, avec un train d’actions spécifiques entreprises pour autonomiser les femmes rurales qui vivent dans la précarité, en les aidant à jouer un rôle central dans la gestion des exploitations agricoles et dans la prise de décision collective. Enfin, le dérèglement du climat étant un sujet transversal à l’ensemble de la filière, le Programme Observatoire des Changements Climatiques a été mis sur pied par l’Interprofession pour surveiller et analyser les impacts des changements climatiques sur les filières cacao et café, afin d’y adapter les pratiques agricoles et de minimiser les risques.
3. Adaptation au système de commercialisation libéralisé
Depuis les années 90, le Cameroun s’est engagé dans un système de commercialisation libéralisé, où le prix de la fève est déterminé par le marché ; ceci implique de respecter les normes internationales, de promouvoir la transparence dans les transactions et de favoriser la libre concurrence, pour garantir des prix équitables et compétitifs, car contrairement à d’autres pays comme la Côte d’Ivoire, qui stabilisent leurs prix, le Cameroun subit la dure loi du marché, et doit s’adapter aux exigences et contraintes des exigences du marché européen, son principal acheteur du cacao. Des normes et standards relatifs à la sécurité alimentaire, à la traçabilité et aux pratiques agricoles durables.
Par ailleurs, la filière cacao camerounaise doit faire face à une concurrence mondiale de plus en plus rude et accrue, notamment d’autres producteurs africains et des pays émergents. Une compétition qui exige innovation et inventivité, pour une amélioration constante de la qualité, de l’efficacité et de la productivité pour maintenir sa compétitivité sur le marché mondial et assurer la viabilité économique des producteurs locaux.
4. Baisse de production dans les principaux producteurs
La baisse de production de cacao en Côte d’Ivoire et au Ghana, les deux principaux producteurs mondiaux, semble avoir largement contribué à cette hausse des prix. Le rapetissement de la production dans ces deux pays majeurs a des répercussions majeures sur le marché mondial du cacao : en effet, une baisse de l’offre en provenance de la Côte d’Ivoire et du Ghana entraîne une réduction de l’approvisionnement mondial en fèves de cacao. Et si la demande mondiale de cacao dépasse l’offre disponible, elle entraîne une hausse des prix sur le marché mondial qui profite au Cameroun, réputé fournisseur fiable de cacao de qualité.
La Côte d’Ivoire et le Ghana, les deux plus grands pays producteurs de cacao au monde, qui représentent ensemble plus de 60% de la production mondiale, ont connu une baisse significative de leur production, pour des raisons dont certains experts pensent qu’elles peuvent être climatiques. Selon l’expert en cacao Ousmane Attai, les exportations de fèves brutes de cacao de la Côte d’Ivoire ont chuté de 34%rapporte commodafrica. Quant au Ghana, pour la saison 2023/2024, les exportations de cacao ont chuté d’environ 51 % par rapport à la même période de 2022, selon la rédaction de Africa24. Une restriction de l’offre qui pousse les cours mondiaux du cacao vers des plus hauts.
En définitive, la hausse spectaculaire des prix du cacao au Cameroun reflète un ensemble de paramètres complexes (économiques, politiques et sociaux), dont l’analyse détaillée met en lumière plusieurs éléments clés dont un travail de fond sur la qualité des fèves (Centres d’Excellence) aux politiques de professionnalisation, de valorisation et de durabilité de la filière, ainsi qu’aux tendances mondiales du marché. Comprendre ces dynamiques semble essentiel pour conforter le Cameroun dans sa position actuelle, et anticiper les tendances futures du marché en promouvant la durabilité de l’industrie cacaoyère.
Yves Abissi
Directeur, en charge de la communication